dimanche 19 février 2012

He was the only survivor of his crew

André Leleu D.F.C.
( 1921 - 2012 )

( collection Philippe Deman )


Chers amis et passionnés de la R.A.F.,

Ce samedi 11 février, durant la matinée, je reçois un mail d'André Bar m'annonçant le décès d'André Leleu. Ce dernier a volé, en opérations, comme navigateur sur Handley Page Halifax. Cette publication arrive avec un peu de retard, étant donné qu'il m'a fallu du temps pour traduire un article en néerlandais concernant le défunt. Je tiens à remercier André Bar et sa compagne Marie - Claire Decock pour avoir relu, corrigé et complété la traduction. Leur aide me fut des plus précieuses.

Voici donc le récit de son aventure :

André Leleu
Un Courtraisien inconnu

Les points importants de l'article ci - dessous :
  • André Leleu quitte, clandestinement, Courtrai en 1941 pour rejoindre la Grande - Bretagne;
  • Arrive en Grande - Bretagne via la France, l'Espagne et le Portugal;
  • S'engage dans la R.A.F. où il devient navigateur;
  • Après plusieurs vols au - dessus de l'Allemagne, son avion est abattu;
  • Seul survivant, fait prisonnier et envoyé en captivité;
  • Démobilisé après la guerre, il rentre en Belgique.

Le 11 novembre 1945, le Flying Officer André Leleu est décoré de la Distinguished Flying Cross. Sur le diplôme qui accompagne la haute décoration britannique, on lit la citation suivante :

In all circumstances Flying Officer has shown an outstanding degree of discipline, courage and determination.

En plus du Wing Commander Alan Lynn, un Courtraisien d'adoption, Leleu est le seul concitoyen qui ait reçu la D.F.C. durant la Seconde Guerre mondiale. Son histoire vaut la peine d'être contée.

André est né à Courtrai, le 15 septembre 1921. Son père, Omer, était récepteur du K.O.O. et greffier au Conseil des Droits du Travail. Après le 10 mai 1940, la famille qui vit dans la Handboogstraat fuit vers la France. Lors de la capitulation française, elle se trouve à Limoges.

De retour à Courtrai, Lucien Leleu, le petit frère d'André, avait rejoint une organisation de résistance : " La Belgique Avant Tout - België Voor Alles " ( B.A.T. - B.V.A. ). La dite - organisation était, principalement, active dans le domaine de la presse clandestine. Elle a distribuée, entre octobre 1940 et février 1941, vingt brochures ronéotypées tirée chacune à environ 500 exemplaires.

L'alarme a été donnée au début de février 1941. Craignant que la police allemande ne soit sur la piste de la presse clandestine, un peu paniqués, les membres de l'organisation décident de prendre la fuite pour la Grande - Bretagne. André n'était pas, personnellement, concerné par celle - ci mais, se disait - il :

" Comme ils recherchent mon frère et ne le trouvent pas, je deviens le bouc émissaire. La meilleure chose est de disparaître aussi. "

Le samedi 15 février 1941, tous les deux vont chez des amis dans la Hugo Verriestlaan. Le lendemain, ils prennent le train à Menen ( Menin ), traversent la frontière et passent la nuit dans une cachette à Tourcoing ( France ). De là, un voyage sans souci passant par Paris, ils franchissent la ligne de démarcation à Vierzon et, arrivent à Marseille, où ils pensaient trouver un caboteur pour l'Espagne. Ce projet s'avère désastreux. Aussi décident - ils de traverser les Pyrénées.

Emmené par un contrebandier de tabac faisant office de guide, ils se déplacent à travers les montagnes au départ de Banyuls - sur - Mer, en passant par Figueras, puis Barcelone et Madrid, jusque Badajoz à la frontière portugaise.

A Badajoz, un guide; ils ont eu son adresse au consulat de Belgique à Barcelone; les amène à Elvas au Portugal, où un représentant de l'Ambassade à Lisbonne vient les accueillir.

Après avoir passé huit semaines à Lisbonne, sous une fausse identité de naufragés britanniques avec un " Emergency certificate ", les deux frères sont expédiés à Gibraltar... et de là, à Glasgow. Le 28 juin 1941, ils posent le pied sur le sol britannique.

Leur première rencontre avec les Britanniques a lieu au sein de la " Queen Victoria Patriotic School " de Londres, devant un officier de la Sûreté. Une mesure de sécurité compréhensible, car la peur que des espions allemands puissent entrer en Grande - Bretagne de cette manière n'était pas imaginaire. L'officier de la Sûreté était un pilote de la R.A.F. qui, apparemment, s'intéressait beaucoup à l'aérodrome de Wevelgem. Lucien Leleu a pu faire des croquis de l'aérodrome, que l'officier compara avec des photographies aériennes récentes.

Lorsque les deux frères ont révélé qu'ils étaient de bons amis de Tom Irving; un acheteur de lin anglais qui a vécut à Courtrai avant la guerre; ils ont brillamment réussi l'examen de la Sûreté.

Lucien et André sont affectés à une unité de chars belges. Après environ un an dans les mastodontes d'acier à s'entraîner et à rouler, André Leleu est promu au grade de sergent. Ces blindés étaient, finalement, ennuyeux. Mais avec sa promotion, et un peu de chance, il a demandé son transfert à la Section belge de la R.A.F.

A la fin de 1941, à Londres, il a été décidé de créer une escadrille de chasse belge au sein de la R.A.F. Tous les volontaires belges, qui avaient exprimé le désir de servir dans la R.A.F., ont été incorporés. Ceux qui satisfaisaient aux exigences médicales étaient envoyés à l'instruction à Scarborough; André en faisait partie.

A Scarborough, on enseignait les bases de l'art du vol avec beaucoup de théorie. Elle était suivie de douze heures de vol sur " Tiger Moth " à Sywell ( Northampton ). Après quelques heures de vol de formation, André est appelé à passer un test. Le décollage est correct, le vol mieux encore mais l'atterrissage est un cauchemar. Au lieu de descendre doucement, il s'est présenté trop vite et a, dans le style kangourou, rebondi sur la piste avant de s'arrêter. Son moniteur britannique est proche du désespoir : 
  • " Can't you land ' Loulou '? ", a - t - il demandé, presque en suppliant ( avec son accent anglais, Leleu s'était transformé en " Loulou " ).
Non, " Loulou " n'avait pas su atterrir correctement. Radié de l'écolage de pilote, il est dirigé vers une formation de navigateur qu'il recevra au Canada.
Fin janvier 1943, le vapeur Andes conduit les candidats navigateurs à Halifax. Le centre d'étude de base, la N°6 Bombing and Gunnery School, est situé à Mountain View dans l'Ontario. Avec quatre autres compatriotes, il suit, du 25 janvier au 19 mars 1943, les cours de " Ground Instruction ". Son " Log Book " mentionne pour cette période :
  • 17 heures de vol " Bombing Time ".
  • 13 heures et 20 minutes de " Gunnery Time ".
  • 5 heures et 10 minutes de " Night Bombing ".
La prochaine étape de la longue formation est la " Air Navigation School " à l'Ancienne - Lorette, au Québec. La formation va du 28 mars au 2 août 1943. Les étudiants deviennent compétents dans la manipulation du sextant, la position du soleil et des étoiles, la navigation aux instruments, etc... Mise à part la météorologie, André réussit dans toutes les matières. Le 2 août 1943, il reçoit l'aile du brevet de navigateur, tant convoitée, à coudre sur sa veste d'uniforme.

Course 72 A, N°8 A.N.S. ( Ancienne - Lorette ).

Cette photographie montre à quel point
la Royal Air Force est cosmopolite.
Aux deux instructeurs australiens de la R.A.A.F.
se mêlent des élèves belges, français, tchécoslovaques...
et un élève hollandais ( selon toute vraisemblance ).

André Leleu est debout au dernier rang, deuxième en
partant de la droite.


( collection Philippe Deman )

Début octobre, les brevetés quittent Halifax à bord du Queen Elisabeth. Ce paquebot géant navigue sans escorte, sa vitesse de croisière élevée le mettant à l'abri des poursuites et attaques des U - Boot. le navire est tellement rempli de soldats américains que les trois quarts des hommes doivent se répartir dans tous les coins pour dormir.

le 29 octobre débute, à Dumfries ( Écosse ), la période de stage dans la " N°10 Advanced Observers Air Flying Unit ". Le cours consiste, principalement, en vol de nuit sur des appareils Anson, et vise à parfaire la navigation, la lecture des cartes et l'armement des bombes. Le cours se termine le 28 novembre 1943, puis les hommes ont une période de répit.

N°10 A.O.A.F.U. ( Dumfries ).

Le Sergeant André Leleu se tient debout au deuxième rang,
deuxième en partant de la droite.


( collection Philippe Deman )


Le 2 février 1944 commence la formation au sein de l'" Operational Training Unit " ( O.T.U. ) de Moreton - in - Marsh. André vole sur Wellington comme second navigateur et, à partir du 23 février, comme premier navigateur. Les leçons sont entrecoupées de sauts en parachute et de " Dinghy drill " ( exercices avec les canots de sauvetage gonflables ). Le 22 mars 1944, ses supérieurs jugent qu'il est prêt pour les opérations. A ce moment, il totalise 171 heures et 45 minutes de vol de jour, 131 heures et 50 minutes de vol de nuit, dont 59 heures et 25 minutes de vol de nuit comme navigateur.

Le 27 mars 1944, le personnel navigant ( navigateurs, radios, bombardiers, mécaniciens de bord et mitrailleurs ) est rassemblé et présenté aux pilotes avec lesquels il fera équipe. Désormais, André Leleu volera comme navigateur ( Navigator ) avec :
  • Pilote ( Pilot ) : Warrant Officer Leslie Fulker, R.N.Z.A.F. ( Néo - Zélandais ).
  • Bombardier ( Bomb Aimer ) : Flight Sergeant George Newey, R.N.Z.A.F. ( Néo - Zélandais ).
  • Mitrailleurs ( Air Gunners ) : Sergeants Ken Roberts et Ernest Evans, R.A.F. ( Britanniques ).
  • Mécanicien de bord ( Flight Engineer ) : Sergeant Charles Baker, R.A.F. ( Britannique ).
  • Opérateur radio/mitrailleur ( Wireless Operator/Air Gunner ) : Flight Sergeant Albert Parsons, R.A.A.F. ( Australien ).


L'équipage.

Rang debout, de gauche à droite :

F/Sgt George Newey R.N.Z.A.F., Sgt Ken Roberts R.A.F.,
Sgt André Leleu R.A.F. et F/Sgt Albert Parsons R.A.A.F.


Rang assis, de gauche à droite :

Sgt Ernest Evans R.A.F., W/O Leslie Fulker R.N.Z.A.F.
et Sgt Charles Baker R.A.F.


( collection Philippe Deman )

L'équipage part, le 1er mai 1944, pour Rufforth où est basée la " 1663 Heavy Conversion Unit ". Là ont lieu les exercices combinés en groupes sur Halifax Mark II. Le 7 juin 1944, l'équipage est affecté au 158 Squadron de la R.A.F., reconstitué et basé à Lissett. Étant à l'origine, le 104 Bomber Squadron, il fut transformé en 158 Bomber Squadron et basé à Driffield ( 14 février 1942 ). Il était, alors, équipé de Wellingtons et affecté au " 4 Group Bomber Command ". Le 7 juin 1942, l'unité est ré - équipée de Halifax Mark II, et utilisa successivement les aérodrome de East Moor ( du 6 juin au 6 novembre 1942 ), Rufforth ( du 6 novembre 1942 au 28 février 1943 ) et Lissett jusqu'à la fin de la guerre. Lissett était une nouvelle base, située à quelques miles de la côte anglaise, près de Bridlington dans l'East Riding of Yorkshire.

Quand André a été affecté au " One - Five - Eight ", le Squadron était sous le commandement du Wing Commander Peter Dodson depuis le début de mars 1944, et ré - équipé du nouveau Halifax Mark III. Contrairement au Mark II, avec quatre moteurs en ligne Merlin, le Mark III était doté de quatre moteurs en étoiles refroidis par air du type Bristol Hercules. Le nouveau modèle différait également par l'apparence de son nez. La tourelle avait disparue et avait été remplacée par un bulbe transparent qui offrait plus de visibilité au bombardier.

Le 7 juin 1944, jour de leur arrivée, sept appareils du 158 Squadron participent à un raid sur la ville de Mannheim, sous le commandement du Squadron Leader Wilfred Protheroe D.F.C. ( décoré à titre posthume ). C'est leur première mission au - dessus de l'Allemagne. Les sept appareils reviennent sains et saufs à la maison.

Le 14 juin 1944, André effectue son premier raid en territoire occupé par l'ennemi. L'objectif est Evrecy ( France ), à 6 kilomètres au sud de Caen. Six bombes de 1000 lb et neuf de 500 lb sont lâchées sur la cible. Le vol dure 5 heures et 50 minutes. Tous reviennent sains et saufs à la base.

A partir de ce moment - là, les missions se suivent à un rythme accéléré :
  • 16 juin : Sterkrade, dans la Ruhr. Objectif : les usines d'huile synthétique.
  • 17 juin : Saint - Martin - l'Hortier. Destruction des tronçons routiers.
  • 23 juin : Oisemont. Base de V1.
  • 24 juin : Le Grand Rossignol. Installations de V1.
  • 27 juin : Marquise. Installations de V1.
  • 28 juin : Wizernes. Rampes de lancement de V1.
Ce dernier vol a été effectué avec une des avions les plus célèbres de Bomber Command : le Halifax B III LV907/NP - F, surnommé " Friday the 13th ". Les usines de construction Handley Page avaient livrées le LV907 au 158 Squadron, en mars 1944. Fin octobre, il avait quatre - vingt vols à son actif, et fut renvoyé à l'usine pour une révision complète. Début décembre, " Friday the 13th " était de retour dans les airs. Le 25 avril 1945, il a pris son dernier envol pour Wangerooge ( Allemagne ) ; objectif : les batteries côtières. Le célèbre Halifax ramena son équipage à la base, en toute sécurité. Il avait effectué 128 raids sans une égratignure.

" Friday the 13th " avec son équipage
et trois de ses " rampants ".


En attendant, la guerre continue :
  • 1er juillet : Oisemont. Base de V1.
  • 4 juillet : Domléger. Station d'alimentation de V1.
  • 7 juillet : Marquise. Installations de V1.
  • 23 juillet : Les Catelliers.
  • 24 juillet : Stuttgart.
Le raid, sur Stuttgart, a lieu dans la nuit du 24 au 25 juillet 1944, avec une flotte de 729 appareils. En trois vagues, ils vont bombarder la cible entre 01h45 et 01h54 GMT. Avant l'attaque, le 158 Squadron déclarait avoir dix - neuf bombardiers disponibles :
  • Première vague : six bombardiers.
  • Deuxième vague : dix bombardiers.
  • Troisième vague : trois bombardiers.
Le Halifax HX839/NP - S sur lequel volait Leleu, appartenant à la troisième vague ( N°18 ), décolle de Lissett à 21h32. En chemin, les bombardiers lourds sont attaqués, à plusieurs reprises, par les chasseurs de nuit allemands qui frappent durement. Pour le reste, ils ont eus une couverture nuageuse de 10/10 et peu de Flak.

Comme prévu, le Halifax arrive à 01h53 sur la cible et largue, à une altitude de 19 000 pieds, neuf bombes de 500 lb entre les balises du " Master Bomber ". Juste au nord de Stuttgart, il se retrouve dans le collimateur d'un chasseur de nuit. Le bombardier tremble sous l'impact des obus. Les dommages ne sont pas très importants, mais le train d'atterrissage et les freins ont légèrement soufferts. Après un examen approfondi, le Sergeant Baker, mécanicien de bord, se rend compte que les tuyaux de pression d'huile sont crevés. Il n'y avait aucun moyen pratique pour effectuer des réparations d'urgence. Les tuyaux qui fuyaient ont été sciés et scellés, dans l'espoir que la pression d'huile resterait intacte.

A Lissett, ils n'étaient pas rassurés. Par sécurité, le Halifax est détourné vers la " Rescue Crash Landing Beach " de Carnaby. A 06h07, il réduit son altitude au - dessus de Carnaby et se pose sans freins. Le train d'atterrissage résista et Baker obtint une palme*. Le vol a duré 8 heures et 35 minutes. Le 158 Squadron a perdu deux avions durant le raid.

Et les opérations n'attendent pas ; c'est un nouveau départ dans la nuit du 25 au 26 :
  • 25 juillet : Wanne - Eickel, dans la Ruhr ( avec " Friday the 13th " ).
  • 28 juillet : Forêt de Nieppe. Concentration de troupes SS.
  • 1 août : Chapelle Notre - Dame ( mission avortée ).
  • 2 août : L'Haÿs - les - Roses. Base de lancement de V1.
  • 3 août : Forêt de Nieppe. Idem.
  • 5 août : Forêt de Nieppe. Idem.
  • 9 août : Landes - Vieilles - et - Neuves. Idem.
  • 10 août : Dijon. Ateliers mécaniques.
  • 11 août : Ferfay. Base de lancement de V1.
  • 12 août : Brunswick. Les raffineries.
Pour cette dernière mission, 372 Lancasters et Halifaxes ont été utilisés en une seule vague, entre 0h16 et 0h18 ( ? ), pour bombarder les raffineries. Le 158 Squadron a pris part à l'action avec seize avions. A 21h30, le Halifax MZ338/NP - U de Leslie Fulker décolle, comme N°9, de Lissett. Le raid sur Brunswick ne prêtait pas à sourire. Tout au long du chemin vers la cible, les bombardiers font l'objet d'attaques des chasseurs de nuit, puis sont pris sous le feu des batteries anti - aériennes. Avant même d'avoir atteint l'objectif, le 158 Squadron perd deux appareils. D'autres ont subis des dommages plus ou moins importants. Le Halifax, dans lequel vole Leleu, est également touché. Les flammes lèchent longtemps le moteur droit. L'incendie est éteint grâce au système d'extincteurs mais, sur trois moteurs et avec près de 5000 kilos de bombes, l'appareil perd de l'altitude. Cette perspective est peu rassurante pour ceux qui, volant plus bas, pourraient être frappés par les bombes de leurs collègues se trouvant au - dessus.

A 23h36, les lourds colosses sont, à nouveau, attaqués par les chasseurs de nuit Junkers 88. Dans les environs de Brunswick se trouve une très grande concentration de Flak. A 0h14, le Halifax de Fulker fit une embardée vers la position d'attaque, lorsqu'il est soudainement touché par le tir des mitrailleuses d'un chasseur de nuit. Le mitrailleur de la tourelle dorsale, Ernest Evans, est blessé.

A 0h18, d'une altitude de 17 000 pieds, ils lâchent leurs bombes dans l'incendie s'étant déclaré sur la cible et prennent le chemin du retour. Peu après, un chasseur de nuit allemand, par une série de salves bien placées, fait du Halifax une épave... mais toujours volante. Il y avait un trou béant de 80 centimètres dans le fuselage, et l'installation radio ainsi que l'appareillage de navigation étaient en miettes. Sur trois moteurs haletants, se dirigeant à l'aide des astres, ils se traînent tout le long du chemin jusqu'à la base. C'est ce qui rapporte la D.F.C. au navigateur Leleu. Quand le Halifax se pose à Lissett à 03h11, il est bon pour la ferraille. L'équipage a eu beaucoup de chance car on découvrira, à l'emplanture des ailes, un obus non - explosé!
  • 15 août : l'aérodrome d'Eindhoven ( mission avortée au départ ).
  • 16 août : Kiel.
  • 19 août : Sterkrade. Stocks de pétrole.
  • 25 août : Watten. Installations de V1.
  • 28 août : première attaque de jour sur Homberg. Stocks de pétrole.
  • 9 septembre : Le Havre ( attaque avortée au départ ).
  • 10 septembre : Le Havre. Positions de tir.
  • 12 septembre : Gelsenkirchen.
Ici se referme le " Log Book " avec la mention :

" Missing. Shot down over the target by A.A. 13.37 ".

Que s'est - il passé? A cause de sa raffinerie très productive, Gelsenkirchen est un objectif important. On sait, également, que les Allemands ont concentré, dans les environs, une quantité considérable de positions de Flak.

Le 158 Squadron décolle de Lissett à 11h22. Le Flying Officer Fulker vole, avec son équipage habituel, sur le Halifax HX329/NP - Y. La couverture nuageuse est de 10/10 et la visibilité quasi nulle. Les avions volent en flux dense au - dessus du territoire ennemi. A gauche de Fulker se trouve le légendaire " Friday the 13th ".

Pour cette partie, je laisse la parole à André Leleu :

" J'étais, seul Belge, navigateur au 158 Squadron du Groupe 4. Nous avons décollé le 12 septembre 1944, à 11h22, dans un Halifax Mk III immatriculé Y ( York ) MX329 pour Gelsenkirchen ; notre 29ème mission, un raid de jour. Tout s'est bien passé jusqu'à notre arrivée sur l'objectif. Le préposé aux bombes, le Pilot Officer Newey, était dans le nez de l'appareil, les soutes à bombes étant ouvertes. "

Soudain, la Flak ouvre le feu avec violence. Des centaines de nuages noirs, provoqués par les explosions d'obus, parsèment la zone de largage :

" Le Flying Officer Fulker D.F.C. R.N.Z.A.F. ( Nouvelle - Zélande ) qui pilotait, m'appela à l'interphone pour me signaler qu'il n'avait jamais vu autant de Flak ( D.C.A. allemande ). Je me lève pour aller voir dans le cockpit et constater qu'il avait, en effet, raison. Comme nous avions l'habitude de le dire, alors que la Flak était intense : ' Vous auriez pu sortir votre train d'atterrissage et faire le taxi jusqu'à la cible '.

Je retournai à mon siège et décidai d'attacher les sangles de mon parachute, pour la première fois depuis nos 29 opérations. J'ai entendu le bombardier donner les dernières corrections. J'ai alors perçu l'impact d'un coup rapproché de la Flak et, quelques secondes plus tard, j'ai vu ma tablette de navigation, les cartes, les compas et les boussoles exploser devant moi.

Je dois être tombé dans la sortie de secours située sous mon siège. Je ne me rappelle pas avoir sauté ou avoir actionné les cordes de mon parachute, comme j'étais inconscient. Alors que je reprenais mes esprits, j'ai constaté au - dessus de moi, la voûte de mon parachute ouvert et, portant mon regard en - dessous, j'ai réalisé que j'étais blessé au genou gauche. La première chose que je fis : relever ma jambe gauche pour voir si rien n'était brisé. Je constatai une grosse blessure juste au - dessus du genou, mais aucun os n'était atteint. Après cette diversion, je retombai momentanément inconscient et, au moment où je revins à moi, je vis le sol se rapprocher. J'étais tombé dans une prairie, à côté de l'objectif, et j'entendis le bruit de cette bataille aérienne engagée entre les défenses terrestres et les explosions des bombes lancées par nos avions. "

Sa descente a été suivie par les observateurs de la Flak :


" Les Allemands de la batterie de D.C.A. furent rapidement sur les lieux pour m'enlever et me transporter à travers la ville en ruine, sous forte escorte*, puis en voiture* vers un camp de prisonniers russes. Un médecin allemand examina mon genou et affirma que je n'avais aucune fracture. Il me dit : ' Eine fleisch wounde ' ( une blessure de viande ). Il saupoudra ma blessure d'un médicament, pas d'attelle, et il pensa mon genou avec une sorte de papier - crêpe.

Les Allemands m'ont conduit dans un bureau où j'étais gardé par un sous - officier de la batterie qui donnait des coups de téléphone. Après quelques heures, ils m'ont conduit en voiture sur un aérodrome, et dans un abri où je retrouvai d'autres équipages descendus au cours du même raid. "

André est emmené à Francfort pour être interrogé ( Dulag Luft d'Oberursel ). L'interrogatoire se limitera à un monologue de l'officier allemand qui sait, dans les moindres détails, comment est composé le 158 Squadron, où il est basé, qui le commande et plus encore :

" Ce n'est que plus tard, au Dulag, que j'appris que j'étais le seul survivant de mon équipage. "

Par la suite, André a été envoyé au Stalag Luft I de Barth ( Poméranie ). Curieusement, personne ne sait qu'André a survécu à la catastrophe :


" Quatre ans plus tard, à Bridlington, au cours d'une réunion avec des anciens de 158 Squadron, j'ai appris qu'ils avaient vu mon Halifax tomber comme une boule de feu... et que personne n'avait vu de parachute s'ouvrir. "

Par une incroyable coïncidence, le corps d'un citoyen allemand a été retrouvé dans les débris de l'épave qui avait brûlée. Le service de secours allemand, ayant trouvé sept corps carbonisés, en a déduit que tout l'équipage y était resté. Ce n'est que plus tard que les autorités de la R.A.F. apprendront, par la Croix - Rouge, que notre concitoyen était indemne et prisonnier de guerre. Le 5 décembre 1944, ces heureux parents reçoivent, à Courtrai, la nouvelle que leur fils est bien vivant.

Le mot de la fin est pour André Leleu :


" J'ai passé huit mois au Stalag Luft I à Barth, et j'ai été libéré par les Russes. J'ai été ramené en Angleterre par un B - 17 de la U.S. Air Force* depuis l'ancienne base aérienne allemande, située à cinq kilomètres du camp.

Mon équipage est enterré dans le Reischwald Forest War Cemetery, près de Clèves. Lot 17, rangée C, tombes 13 - 14 - 15 - 16 - 17 et 18 contenant les restes de :
  • F/O Les Fulker, Pilot, D.F.C. - R.N.Z.A.F.
  • P/O Max Newey, B/A - R.N.Z.A.F.
  • P/O Bert Parsons, W.O.P/A.G. - R.A.A.F.
  • P/O Charles Baker, F/E - R.A.F.
  • Sgt Ken Roberts, Tail Gunner - R.A.F.
  • Sgt Ernest Evans, Mid - Upper Gunner - R.A.F.
Seul survivant? Le Flying Officer A. Leleu D.F.C., navigateur de la R.A.F. "


* Un endossement dans le " Log Book " semble plus probable.
* La population, en colère, voulait s'en prendre à lui.
* D.K.W. ( Dampf Kraft Wagen ).
* La véritable dénomination est U.S.A.A.F ( United States Army Air Force ). Elle sera nommé U.S.A.F. au mois de septembre 1947.



Article rédigé, à l'origine, par José Vanbossele.

Traduction : Mehdi Schneyders.

Relecture, correction et addition d'informations : Marie - Claire Decock et André Bar.

Documentation photographique : Philippe Deman.

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